Ces dernières années, les co-investissements ont gagné en popularité dans le secteur du capital-investissement, stimulés par un appétit croissant des investisseurs pour participer à des transactions à fort rendement potentiel en investissant directement aux côtés des sociétés de capital-investissement dans les sociétés qu’elles détiennent en portefeuille. Cette tendance a été renforcée par les défis actuels auxquels sont confrontés les sociétés de capital-investissement. La hausse des taux d'intérêt, qui nécessite des apports de fonds propres plus importants de la part des sociétés de capital-investissement, associée à l’augmentation de la durée des périodes de levée de fonds, a renforcé l'attrait des accords de co-investissement tant pour les investisseurs que pour les sponsors.

Dans ce contexte, il est crucial pour les sociétés de capital-investissement de conserver le contrôle du pouvoir de décision au sein des sociétés qu’elles détiennent en portefeuille. En droit luxembourgeois, le principe "une action, une voix" s'applique. Cependant, il existe des moyens de contourner ce principe et de séparer les apports en capital des droits de vote. La loi luxembourgeoise offre plusieurs outils pour y parvenir, qui peuvent être divisés en deux catégories : les outils structurels et les outils contractuels.

Outils structurels 

Les outils structurels sont liés à la nature de l'instrument lui-même et dépendent de la forme juridique adoptée par la société détenue en portefeuille. Les formes les plus courantes de sociétés commerciales au Luxembourg sont la Société Anonyme (SA) et la Société à Responsabilité Limitée (SARL).

Une SA peut émettre des actions sans droit de vote, à condition que leurs droits financiers soient clairement définis dans les statuts. Il n'existe aucune restriction quant au nombre d'actions sans droit de vote qui peuvent être émises, bien que, dans certaines circonstances, ces actions peuvent récupérer leurs droits de vote.

Le capital des sociétés détenues en portefeuille peut également être composé de différentes catégories d'actions, chacune assortie d'une prime d'émission différentes. Ainsi, un actionnaire souhaitant détenir un nombre équivalent d'actions dans une catégorie avec une prime d'émission plus élevée devra payer un prix de souscription plus élevé.

De même, les sociétés peuvent émettre des actions avec des valeurs nominales différentes. Il convient toutefois de faire une distinction entre la SA et la SARL. Dans une SARL, même si les actions ont des valeurs nominales différentes, chaque action donne droit à une voix. Dans une SA, le droit de vote est proportionnel à la valeur nominale des actions. Toutefois, les statuts peuvent déroger à cette règle, ce qui aboutit à un résultat similaire à celui d'une SARL, où des actions de valeur nominale différente peuvent conférer le même pouvoir de vote.

Les SA et les SARL peuvent également émettre des parts bénéficiaires. Celles-ci ne font pas partie du capital social et permettent une grande flexibilité dans la définition de leurs droits et obligations. Les parts bénéficiaires n'étant pas techniquement des actions, elles ne confèrent pas de droits de vote. Néanmoins, il serait possible de leur accorder un droit de vote ou, en l'absence de toute disposition légale l'interdisant, des droits de vote multiples.

Outils contractuels

Les outils contractuels nécessitent la mise en œuvre d’accords contractuels entre les parties.

Un exemple typique est celui des conventions de vote, souvent incluses dans les pactes d'actionnaires. Ces conventions régissent la manière dont les parties exerceront leurs droits de vote lors des assemblées générales. Une attention particulière doit être portée lors de la rédaction de ces conventions pour garantir leur validité, car le droit luxembourgeois impose certaines conditions pour leur validité.

Un autre mécanisme largement utilisé au Luxembourg est la possibilité pour un actionnaire de renoncer à ses droits de vote, soit pour une période déterminée, soit pour une durée indéterminée. Cela permet, par exemple, à un co-investisseur de renoncer à son droit de vote lors des assemblées générales pendant toute la durée de l'investissement, à la demande de la société de capital-investissement. Toutefois, cette renonciation est personnelle à l'actionnaire, ce qui signifie que si le co-investisseur cède ses actions, le nouvel actionnaire récupérera les droits de vote.

Conclusion

L'essor des co-investissements ajoute de la complexité à la structuration des opérations via les plateformes de détention basées au Luxembourg. Cependant, le Luxembourg offre un cadre juridique solide qui permet de relever ces nouveaux défis, en fournissant aux sociétés de capital-investissement des outils efficaces pour maintenir le contrôle sur les sociétés détenuesen portefeuille tout en tenant compte des accords de co-investissement.

Cet article a été publié pour la première fois par Paperjam.