Sur le fond, les nouveautés/spécificités sont multiples. Nous abordons ci-après les principaux traits saillants de la nouvelle convention et reviendrons plus en détail sur certaines dispositions dans nos prochaines lettres d’informations.
L’ancienne convention (que nous appellerons par facilité « ancienne convention ») demeure applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle convention. Celle-ci entrera en vigueur lorsque chacun des Etats contractants aura notifié à l’autre l’accomplissement de la procédure de ratification. En Belgique, cette procédure implique l’assentiment du fédéral et des entités fédérées. En pratique, la nouvelle convention sera d’application au plus tôt le 1er janvier 2023.
Les entités « translucides » françaises restent résidentes au sens de la nouvelle convention
Pour pouvoir invoquer une convention, le contribuable doit répondre à la notion de « résident » d’un Etat contractant. Conformément à la convention modèle OCDE, la nouvelle convention subordonne la qualité de « résident » à la condition que le contribuable soit assujetti à l’impôt dans son Etat de résidence.
Pour rappel, l’ancienne convention ne prévoit pas cette condition.
Autrement dit, les personnes (i.e. personnes physiques, sociétés ou groupements de personnes) qui ne sont pas soumises à l’impôt ne pourront pas bénéficier de la protection conventionnelle.
Le Protocole de la nouvelle convention prévoit toutefois une exception pour les organismes de placement collectif et les fonds de pension établis dans les Etats contractants qui ne sont pas soumis à l’impôt : ceux-ci pourront bénéficier des avantages prévus par les articles 10 (dividendes) et 11 (intérêts) de la nouvelle convention.
Les entités françaises qui bénéficient du régime de « translucidité » fiscale (telles que la plupart des sociétés civiles immobilières) pourront également (continuer à) bénéficier de la protection conventionnelle. L’article 4, §4 prévoit en effet que toute société de personnes ou autre entité analogue :
- dont le siège de direction effective est en France ;
- qui est assujettie à l’impôt en France ;
- dont tous les porteurs de parts, associés ou membres sont, en application de la législation fiscale française, personnellement soumis à l'impôt à raison de leur quote-part dans les bénéfices de la société de personnes ou de l’autre entité analogue.
répond à la notion de résident au sens de la nouvelle convention.
Elimination de la double imposition et suppression de la QFIE
En ce qui concerne les résidents belges, les revenus, autres que des dividendes, des intérêts ou des redevances, ou des éléments de fortune qui sont imposés en France conformément aux dispositions de la nouvelle Convention, seront exemptés de l’impôt en Belgique. Toutefois, si ce résident est une personne physique, la Belgique n’exempte de l’impôt ces revenus que dans la mesure où ils sont effectivement imposés en France. Cela signifie par exemple que les résidents belges qui disposent d’une seconde résidence en France seront dorénavant taxés à l’impôt des personnes physiques sur le revenu locatif attribué au bien immeuble en question, étant donné que la France ne taxe pas ce type de revenus à l’impôt sur le revenus (pour rappel, la base taxable correspondra au revenu cadastral qui sera attribué par l’administration fiscale belge audit immeuble). Sous l’égide de l’ancienne convention, ces revenus sont exonérés d’impôt mais pris en compte pour déterminer le taux d’imposition applicable aux autres revenus imposables en Belgique.
Nouveauté importante : les sociétés belges qui perçoivent des dividendes provenant d’entités bénéficiant du régime de translucidité fiscale (telles que les SCI) pourront dorénavant bénéficier du régime RDT, dès l’instant où les conditions dites « quantitatives » sont respectées (i.e. participation minimale de 10% ou 2.500.000 EUR détenue en pleine propriété depuis au moins un an). Jusqu’à présent, ces dividendes étaient exclus du régime RDT car les entités translucides ne satisfont pas à la condition d’assujettissement à l’impôt prévue par le régime RDT.
Par contre, les résidents belges personnes physiques qui perçoivent des dividendes d’origine française se trouveront à nouveau confrontés à une situation de double imposition. La quotité forfaitaire d’impôt étranger (QFIE) – que l’administration fiscale avait finalement acceptée d’octroyer à la suite d’un second arrêt de la Cour de Cassation du 15 octobre 2020 – est en effet supprimée.
Quid de l’application de la taxe sur les comptes-titres aux résidents français ?
Les impôts sur la fortune font à présent partie des impôts visés par la nouvelle convention, ce qui permettra d’éviter d’éventuelles situations de double imposition.
Le texte de la nouvelle convention n’est pas clair à cet égard, mais selon les travaux préparatoires de la loi introduisant la taxe sur les comptes-titres, la nouvelle Convention devrait, en principe, permettre aux résidents fiscaux français qui disposent d’un compte-titres en Belgique d’échapper à la taxe sur les comptes-titres, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Le taux de la retenue à la source sur les dividendes baisse
Le taux maximum de retenue à la source sur les dividendes est réduit de 15% à 12,8% (qui correspond au taux interne prévu en droit français).
Le taux réduit de 10% prévu par l’ancienne convention est remplacé par une exonération de retenue à la source pour les dividendes attribués aux sociétés de l’autre Etat contractant pour autant que le bénéficiaire détienne, tout au long d’une période de 365 jours incluant le jour du paiement des dividendes, une participation directe d’au moins 10% dans le capital de la société distribuant le dividende. La nouvelle convention prévoit que le calcul de la période de détention n’est pas affecté par des changements de détention qui résulteraient de réorganisations telle qu’une fusion ou scission de la société qui détient les actions ou qui paie le dividende.
Le bénéfice de ce taux réduit/de cette exemption est également soumis à la condition que le récipiendaire du dividende en soit le bénéficiaire effectif.
La retenue à la source sur les paiements d’intérêts disparait
La retenue à la source sur les paiements d’intérêts est purement et simplement supprimée, pour autant que le bénéficiaire effectif des intérêts soit un résident de l’autre Etat contractant (l’ancienne convention prévoit une retenue à la source réduite à 15%).
La France étend son pouvoir d’imposition en matière de plus-values sur actions
Plus-values réalisées par d’anciens résidents fiscaux français
L’une des particularités de la nouvelle convention est que, sous certaines conditions, l’article 13, § 4, permet à la France de taxer les plus-values réalisées directement ou indirectement par des résidents belges personnes physiques sur des participations substantielles détenues dans des sociétés françaises. Nous consacrerons une lettre d’information distincte à cette disposition particulièrement sophistiquée. Notons d’ores et déjà qu’elle vise également les plus-values réalisées par une société holding belge intermédiaire, au prorata de la participation détenue par la personne physique concernée dans la société holding belge.
Sociétés à prépondérance immobilière
Comme attendu, la nouvelle convention prévoit également que les gains provenant de l’aliénation d’une participation dans une société dont plus de la moitié des actifs sont constitués directement ou indirectement de biens immobiliers situés dans un Etat, y soient imposables. Cette disposition ne s’applique que pour autant que l’Etat contractant en question assimile fiscalement ces cessions d’actions à des cessions de biens immeubles. Autrement dit, dans l’état actuel des législations françaises et belges, la France aura donc le droit d’imposer la plus-value réalisée par un résident belge sur les actions d’une société à prépondérance immobilière française. Cette disposition ne s’applique pas aux sociétés dont les actions sont inscrites à la cote d’un marché boursier réglementé de l’Espace économique européen.
L’imposition des tantièmes
Sous l’empire de l’ancienne convention, les rémunérations fixes ou variables attribuées en raison de l’exercice de leur mandat aux administrateurs, commissaires, liquidateurs, associés gérants et autres mandataires analogues des sociétés anonymes, des sociétés en commandite par actions et des sociétés coopératives ainsi que des sociétés françaises à responsabilité limitée et des sociétés belges de personnes à responsabilité limitée n’étaient imposables que dans l’Etat contractant dont la société était résidente.
Dorénavant, seuls les membres d’un conseil d’administration ou de surveillance ou d’un organe analogue d’une société d’un des Etats contractant se verront imposés sur leurs tantièmes, jetons de présence et autres rétributions similaires uniquement dans l’Etat contractant dont la société est résidente.
Le volontariat international fait son entrée dans la nouvelle convention
Les Etats contractants traitent dans la nouvelle convention du pouvoir d’imposition sur les sommes reçues par des étudiants français dans le cadre du régime du volontariat international. Par le passé, plusieurs sociétés belges faisant partie d’un groupe français ont fait l’objet de rectifications fiscales à ce sujet.
La nouvelle convention prévoit que les sommes perçues par les étudiants ne seront imposables en Belgique que dans la mesure où celles-ci seront prises en charges par une société résidente belge (sauf si les sommes sont prises en charge par un établissement stable de la société situé à l’étranger) ou un établissement stable en Belgique.
Limitation des bénéfices de la convention
Conformément à l’article 7 de l’IM, une nouvelle mesure anti-abus limitant les bénéfices de la convention a été insérée à l’article 28. Selon cette disposition, un avantage au titre de la convention ne sera pas accordé au titre d'un élément de revenu ou de fortune s'il est raisonnable de conclure, compte tenu de l'ensemble des faits et circonstances propres à la situation, que l'octroi de cet avantage était l'un des objets principaux d'un montage ou d'une transaction ayant permis, directement ou indirectement, de l'obtenir, à moins qu'il soit établi que l'octroi de cet avantage dans ces circonstances serait conforme à l'objet et au but des dispositions pertinentes de la Convention.
La nouvelle convention ne fait pas obstacle à l’application de la taxe caïman
Bien que l’administration fiscale estime que les conventions préventives de la double imposition conclues par la Belgique n’empêchent pas l’imposition par transparence des entités visées par la taxe caïman, la Belgique a néanmoins jugé utile de préciser dans le protocole de la nouvelle convention que les dispositions de la nouvelle convention n'empêchent en rien la Belgique d'appliquer les dispositions relatives à la taxe caïman.